Jean David Mihamle à Yaoundé
"Dans l'exercice de mon métier, sur dix clientes qui venaient faire des consultations dans mon institut de beauté, huit cherchaient à s'éclaircir la peau". Ces propos de Madame Banga Esthéticienne Cosméticienne au centre de formation en Esthétique Elysee Marbeuf de Yaoundé, traduisent ainsi l'engouement des femmes Camerounaises pour la dépigmentation. La dépigmentation ? C'est une opération qui consiste à s'éclaircir la peau, par différents procédés. Objectif avoué : se débarrasser du pigment - une substance qui colorie la peau des africains.
Selon l'esthéticienne, plusieurs procédés sont utilisés pour s'éclaircir la peau :
du bricolage aux méthodes les plus raffinées.
Généralement, les femmes et de plus en plus les hommes, se rabattent sur les produits
bon marché. On les trouve en vente libre dans la rue. Les corticoïdes - ensemble de
produits destinés à lutter contre les inflammations - sont très prisés.
A la vérité, ce sont des produits à la qualité douteuse. Ils proviennent
généralement d'Asie du Sud-Est et du Nigeria. Leur composition chimique, aux dires des
esthéticiennes ne respectent pas les normes.
L'hydronquinone - substance qui colorie la peau - est supérieur au seuil tolérable de
deux pour cent.
Qui plus est, les femmes concoctent des recettes personnelles. "De véritable
cocktails détonants". L'essentiel n'est-il pas de s'éclaircir la peau ? Selon
certaines confidences, des femmes utiliseraient de l'eau de javel, du diluant cellulosique
du savon acide, etc.
Les quinacores, un produit destiné à soigner les rhumatismes est aussi utilisé. La
particularité de ce produit, est l'effet secondaire produit. Il blanchit la peau du
patient. Aussi, des femmes se font injecter du quinacore, pour obtenir une peau claire
harmonisée.
A l'observation, l'engouement des camerounaises pour la dépigmentation s'explique par
des raisons historiques, psychologiques et sociologiques.
Pour l'universitaire camerounais Clément Mbom, l'esclavage et la colonisation furent de
véritables entreprises d'aliénation. Ils ont d'après lui inoculé aux africains, des
complexes d'infériorité par rapport aux européens.
Le blanc était présenté comme un modèle auquel l'africain devait se référer en toute
circonstance. Une opinion partagée par Madame Banga. Elle affirme que, pour se faire
intégrer dans les milieux européens, les femmes noires-courtisées par leurs
maîtres, essayaient de se mettre au diapason de leurs rivales blanches. Ces africaines
lissaient leur cheveux ou s'éclaircissaient la peau.
Aujourd'hui, cette tendance perdure, favorisée par les magazines de mode, la publicité
et le cinéma, remarque un journaliste : Anne Danielle Mabom, une étudiante à Yaoundé,
estime pour sa part que les filles qui se dépigmentent le font pour séduire les hommes.
Car estime t-elle, les brunes ont le vent en poupe.
Dans certaines régions du Cameroun, comme à l'Ouest, les femmes brunes sont prisées.
Ici, les sollicitations en mariage affluent, lorsqu'on a un teint clair.
Pourtant, estiment les spécialistes, toutes ces pratiques sont très dangereuses pour
la santé. "On a plus à perdre qu'à gagner, en se livrant à de tel
procédés".
L'injection de quinacore blanchit la peau certes, mais de sources médicales, il affaiblit
le système immunitaire, au point de le rendre vulnérable aux agressions externes. Même
les plus bénignes.
L'utilisation régulière des corticoïdes favorise les mycoses (maladies de la peau dues
aux champignons). "A la longue, la peau devient hypersensible, elle dégage une odeur
de poisson frais." Pire nous confie une esthéticienne, la destruction de la
mélanine, cette protection naturelle contre les rayons X du soleil peut être fatale.
Privée ainsi de vitamine D, la peau est vulnérable à toutes les agressions solaires.
Voilà qui, selon Madame Banga ouvre la voie au cancer de la peau, voire aux leucémies
(les cancers de sang). La cicatrisation des blessures devient compliquée. Ce qui peut
être fatale après une opération chirurgicale.
En définitive, nous confie Anne Danielle, une étudiante particulièrement jalouse de son teint noir ébène, la femme Noire devrait s'accepter comme telle. "Il n'y a pas de complexe à faire valoir son identité. Car conclu t-elle, en bonne chrétienne, le décapage est un pied de nez fait à Dieu, le Créateur Omniscient et infaillible."
Volontari per lo sviluppo -
Agosto-Settembre 2001
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